Ironique dès l’âge de quatre ans… c’est possible!

Si un parent s’exclame « Comme ta chambre est bien rangée! » à l’enfant dont la chambre est en désordre, de quelle manière va réagir l’enfant? Va-t-il déceler l’incongruité de la situation? Va-t-il saisir le message sous-entendu? Va-t-il comprendre l’ironie?

Une équipe de chercheurs interuniversitaires de Montréal (Québec) et de Waterloo (Ontario) s’est récemment intéressée à la question. En effet, cette dernière a voulu connaître les différentes formes d’ironie pouvant être comprises et utilisées par les enfants dans le cadre de conversations naturelles, tant positives que négatives, issues du milieu familial. Pour ce faire, les chercheurs ont effectué six séances d’observation de 90 minutes dans 39 familles composées de deux parents et de deux enfants âgés de quatre à six ans.

Les chercheurs ont par la suite relevé 1661 expressions ironiques utilisées par les parents, desquelles ont été identifiées quatre formes principales : l’hyperbole (« C’est la plus grosse araignée du monde! »), la litote (« Tu as un appétit d’oiseau! »), le sarcasme (« Merci pour le beau dégât! ») et les questions rhétoriques n’appelant pas de réponses formelles (« Combien de fois t’ai-je dit d’arrêter? »).

Quatre ans

Quatre ans est l’âge auquel les enfants peuvent comprendre en partie, sinon complètement, les remarques ironiques. Bien que la compréhension de l’ironie soit plus complète dès l’âge de six ans, les enfants interrogés ont tous compris au moins une remarque ironique de la part d’un parent.

Il semble cependant que ces résultats divergent des conclusions de plusieurs études portant sur l’ironie (et plus particulièrement sur le sarcasme) réalisées antérieurement, ces dernières ayant démontré que l’ironie ne serait pas comprise avant l’âge de 8 à 10 ans (Demorest et al., 1983 ; Winner et al., 1987). Ainsi, cette présente étude est d’autant plus intéressante qu’elle permet de noter que les enfants, dès un très jeune âge, auraient des capacités intellectuelles assez développées pour être en mesure de déceler le langage non-littéral. Ce type particulier de langage, dont l’ironie est une forme, implique que le sens textuel d’une affirmation n’est pas le même que le sens voulu et signifié.

Le sarcasme : la forme d’ironie la mieux comprise

Le sarcasme s’est révélé la forme d’ironie la mieux comprise par les enfants. En effet, selon les chercheurs, 41 % des réponses fournies par les enfants face aux remarques sarcastiques de leurs parents suggéraient qu’ils avaient bien compris ces remarques. Le sarcasme est souvent utilisé par les parents lors d’interactions positives, tels que les jeux. Les questions rhétoriques constituent toutefois la forme d’ironie la plus souvent utilisée par les parents. Elle est très fréquemment utilisée par les mères, et ce, tant dans des contextes positifs que conflictuels. Les pères, quant à eux, vont plutôt avoir recours à différentes formes d’ironie, plus fréquemment et dans des contextes généralement plus positifs.

Les enfants, ironiques eux aussi

Tout comme les parents, les enfants font usage de l’ironie. Étonnamment, bien que ce soit le sarcasme qu’ils comprennent le mieux, cette forme d’ironie n’est pas celle qu’ils utilisent le plus. Les enfants vont plutôt avoir recours à l’hyperbole et aux questions rhétoriques, cette dernière constituant également le type d’ironie le plus souvent utilisé par leurs parents. Ce résultat laisse donc supposer que l’enfant exposé régulièrement à un type d’ironie pourrait développer sa capacité à en faire usage lui-même.

Ainsi, cette étude démontre que les enfants, dès l’âge de quatre ans, peuvent partiellement comprendre et utiliser l’ironie, et dès six ans, comprendre et utiliser presque pleinement le langage ironique. Cela nous amène à nous questionner, par le fait même, sur la manière dont nous pourrions utiliser l’ironie à des fins d’éducation et de développement du langage. Qu’en pensez-vous?

Référence : Recchia, H.E., N. Howe, H.S. Ross et S. Alexander (2010). «Children’s understanding and production of verbal irony in family conversations», British Journal of Developmental Psychology, 28 (2), 255-274.