La santé dentaire des tout-petits : comment prévenir les problèmes et mieux sensibiliser? Portrait d’une hygiéniste dentaire passionnée

C’est avec un dynamisme contagieux et le sourire aux lèvres qu’Isabelle Daoust accueille l’équipe de C’est malade! dans son bureau du CLSC de Côte-des-Neiges (CSSS de la Montagne), à Montréal. Hygiéniste dentaire en santé publique depuis près de huit ans, Mme Daoust se passionne pour sa profession, qui l’amène à intervenir quotidiennement auprès d’enfants et de familles qui n’ont pas toujours la chance de visiter des cliniques dentaires de façon régulière. « Mme Isabelle », comme se plaisent à l’appeler les enfants qu’elle rencontre, est l’une des rares dans la province à œuvrer en petite enfance, bien qu’elle travaille aussi auprès des enfants de la maternelle à la deuxième année du primaire. À son avis, les volets éducatif et préventif de la santé buccodentaire représentent les aspects centraux de sa profession en raison de leur impact important sur la santé globale, le bien-être et la qualité de vie des tout-petits.

Isabelle Daoust

Le lien entre la santé buccodentaire et la santé globale des enfants

Selon Mme Daoust, la condition buccodentaire d’un enfant peut avoir une influence significative sur sa santé, son bien-être et sa qualité de vie. À cet égard, elle souligne que malgré que la carie dentaire soit fortement liée au statut socio-économique de la famille, tous les enfants peuvent avoir des problèmes de santé buccodentaire et sont susceptibles de subir les conséquences contraignantes, voire invalidantes de cet état de santé.

En effet, une carie non traitée risque de causer des abcès, souvent douloureux, qui peuvent nuire au sommeil et à la concentration de l’enfant. Par ailleurs, la perte précoce de dents de bébé due à la carie de la petite enfance expose davantage l’enfant à des difficultés de langage et d’élocution, ce qui peut affecter son estime de soi. Des problèmes de déglutition et des difficultés à mastiquer et à bien s’alimenter peuvent également survenir chez les enfants atteints de problèmes de santé buccodentaire et peuvent avoir des répercussions sur leur croissance. À la lumière de cet éventail de conséquences possibles, Mme Daoust croit fermement que les mesures préventives et éducatives réalisées auprès des jeunes enfants et des familles représentent les avenues les plus efficaces pour améliorer la situation.

Mieux vaut prévenir que guérir

Lorsque nous demandons à cette hygiéniste dentaire d’expérience quel est le principal défi auquel elle fait face dans le cadre de son travail, elle répond sans équivoque : « La santé dentaire des enfants est souvent prise en charge beaucoup trop tard, lorsque l’infection est déjà bien installée, ce qui est très frustrant ». C’est pourquoi la prévention et l’éducation demeurent pour elle les meilleurs moyens de diminuer le recours aux soins curatifs. Et comme elle le rappelle souvent dans les activités de promotion des saines habitudes d’hygiène dentaire et de prévention qu’elle anime, « les deux meilleures armes pour lutter contre la carie demeurent la soie dentaire et la bonne vieille brosse à dents! »

 Des interventions adaptées aux jeunes enfants et aux milieux

On associe souvent la profession d’hygiéniste dentaire en santé publique au travail de dépistage de la carie et de promotion de saines habitudes de vie auprès des élèves de l’école primaire. Or, Mme Daoust mentionne que de plus en plus de programmes de santé dentaire publics visent à entreprendre le travail de prévention et d’éducation bien avant l’entrée des tout-petits à l’école. À cet égard, il semblerait que plusieurs enfants auraient très tôt des caries dentaires, souvent avant même d’avoir atteint l’âge de trois ans (ministère de la Santé et des Services sociaux, 2001). C’est notamment en réponse à cette problématique qu’a été créée, en septembre 2011, la clinique Bébé-dent du CSSS de la Montagne, un programme novateur et unique au Québec en ce qui concerne son accessibilité (la clinique est ouverte à tous les résidents du territoire du CSSS) et l’approche qu’elle privilégie auprès des usagers (l’entretien motivationnel). Cette clinique a d’ailleurs inspiré la mise sur pied d’initiatives similaires ailleurs au Québec.

 Ainsi, une grande partie des interventions réalisées par Mme Daoust auprès des tout-petits s’effectue dans le cadre de la clinique Bébé-dent offerte dans les CLSC de Côte-des-Neiges et de Parc-Extension. Plus spécifiquement, il s’agit d’un projet destiné aux enfants âgés de six mois à trois ans visant à favoriser de saines habitudes d’hygiène dentaire et l’accessibilité aux services dentaires. Cette initiative a également pour objectif de prévenir la carie de la petite enfance en s’y intéressant le plus tôt possible, car comme le mentionne Mme Daoust, « il n’est pas rare de voir, lors des visites en classes de maternelle, des enfants ayant des obturations ou des caries très avancées. C’est pourquoi il est vraiment important de commencer la prévention plus tôt afin d’éviter les ravages ». Et comme elle le rappelle, il ne suffit que de trois éléments faciles à rassembler pour qu’une carie puisse se développer : une dent, du sucre et des bactéries. Or, vers l’âge de six mois, les bébés ont des dents, ils sont exposés à des aliments contenant du sucre et ils sont en contact avec des bactéries qui proviennent de la bouche déjà contaminée de leurs parents ou de leurs frères et sœurs. Mme Daoust explique d’ailleurs que les bactéries se transmettent très facilement, soit par simple contact salivaire. C’est pourquoi on dit que la carie est une maladie infectieuse transmissible. Ainsi, partager un ustensile ou une brosse à dents, nettoyer les coins de la bouche de son enfant avec son pouce et mettre la suce de son bébé dans sa bouche pour la nettoyer sont autant de façons de contaminer un enfant.

Clinique Bébé-dent – CLSC de Parc-Extension

 À la clinique Bébé-dent, cette spécialiste de la prévention se concentre surtout sur la motivation des parents au sujet de la santé buccodentaire de leur enfant. Comme elle le précise, « les parents sont les experts de leurs enfants, et lors des rencontres, je me base sur leurs connaissances, sur ce qu’ils font déjà avec leur enfant, et j’ajoute certains compléments d’information, au besoin ». Elle pourra donc explorer avec eux les techniques facilitant le brossage des dents et discuter de l’hygiène dentaire et de l’alimentation. À ce sujet, Mme Daoust dit prendre le temps de mentionner aux parents l’importance que les dents de leur bébé ne soient pas en contact trop longtemps avec des aliments et des boissons sucrés, collants ou acides afin de diminuer les risques de caries.

Les boissons sucrées sont constituées de sucre servant de nourritures aux bactéries. Elle recommande d’ailleurs aux parents de ne pas laisser leur enfant boire ou téter un biberon de façon prolongée et de ne pas laisser non plus leur enfant dormir ou se promener avec un biberon ou un gobelet contenant du jus de fruits ou tout autre boisson, à l’exception de l’eau. Il est à noter que les boissons acides telles que les jus de fruits peuvent affaiblir l’émail des dents.

La texture collante des aliments augmente également le temps de contact avec les dents, ce qui plaît également aux bactéries. C’est le cas des aliments sucrés comme les roulés aux fruits, mais aussi des produits céréaliers cuits à de hautes températures comme les craquelins, certaines céréales à déjeuner, les barres de céréales du commerce. Par ailleurs, Mme Daoust profite de ces entretiens pour procéder à l’application de vernis fluoré sur les dents des jeunes enfants qui en ont besoin afin de prévenir l’apparition de caries ou de freiner l’évolution de lésions débutantes.

En ce qui concerne le travail de Mme Daoust dans les services de garde éducatifs à l’enfance, son mandat consiste entre autres à dépister la carie et les infections buccodentaires chez les enfants de dix mois à cinq ans. « Je leur dis que “Mme Isabelle” aimerait bien voir s’ils sont capables d’ouvrir la bouche grand comme un hippopotame et j’observe ensuite s’il y a des lésions débutantes ou des signes de caries ». Elle y anime aussi des activités de sensibilisation sur la santé dentaire et de promotion des saines habitudes de vie. Or, ces activités doivent être brèves et ludiques afin de maintenir l’attention des enfants. Elle prend aussi le soin d’explorer avec les plus grands les techniques de brossage des dents. Par ailleurs, lorsqu’elle en a le temps, Mme Daoust profite des visites dans les services de garde éducatifs à l’enfance pour échanger avec les intervenantes du milieu au sujet de l’importance d’offrir aux enfants des aliments et des boissons alliés des dents. Elle aborde ainsi l’influence de l’alimentation sur la santé buccodentaire et prend soin de sensibiliser le personnel à l’importance d’offrir aux enfants des aliments variés et fournissant des éléments nutritifs pouvant favoriser la qualité de l’émail et la santé des gencives. En effet, certains aliments gagnent à être intégrés au menu, tant aux repas qu’aux collations. Par exemple :

  • Les légumes et les fruits frais, consommés selon les recommandations du Guide alimentaire canadien, ont plutôt tendance à protéger les dents. Même s’ils contiennent des sucres naturels, ils doivent être bien mastiqués, lorsqu’ils sont crus ou légèrement cuits, en raison de leur contenu en fibres alimentaires. Or, la mastication stimule la production de salive, ce qui diminue l’acidité de la bouche.
  • Certains aliments contiennent principalement des protéines et des matières grasses avec lesquelles les bactéries ne peuvent pas produire de l’acide. C’est le cas des viandes et de leurs substituts (ex. : volaille, poisson, œufs).
  • Enfin, les produits laitiers contiennent des éléments nutritifs (ex. : calcium, phosphore) qui contribuent à durcir l’émail des dents et rendant ces dernières moins sensibles à l’action des bactéries responsables de la carie. Le fromage ferme se distingue particulièrement, puisqu’il stimule également la production de salive. Pour procurer une protection maximale aux enfants, le fromage ferme (ex. : Cheddar, Gouda, Brick) doit être offert à la fin du repas.

En somme, Isabelle Daoust considère indispensable le travail réalisé par les hygiénistes dentaires en santé publique auprès des enfants puisqu’il favorise l’accès à une meilleure qualité de vie. Elle s’estime ainsi privilégiée d’exercer une profession qui vise à protéger et à promouvoir la santé globale et le bien-être des enfants du Québec. Enfin, à entendre Mme Daoust parler de son travail et à constater l’étincelle dans son regard lorsqu’elle mentionne les enfants et les familles qu’elle rencontre, il ne fait aucun doute que cette sympathique hygiéniste dentaire est profondément passionnée par sa profession!

Cet article a été rédigé avec le soutien de l’équipe des diététistes des Producteurs laitiers du Canada.

Références :

Brodeur JM et coll. Étude 1998-1999 sur la santé buccodentaire des élèves québécois de 5-6 ans et de 7-8 ans, gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, Direction générale de santé publique, 2001.

Ordres des hygiénistes dentaires du Québec. Pour que chaque sourire rayonne de santé : l’hygiéniste dentaire, une valeur ajoutée pour la santé publique, [En ligne], [s.d]. [http://www.ohdq.com/Ressources/Documents/Pour%20que%20chaque%20sourire.pdf].

Ordre des hygiénistes dentaires du Québec. Où trouve-t-on les hygiénistes dentaires?, [En ligne]. [http://www.ohdq.com/la-profession/qu%27est-ce-qu%27un-hygi%C3%A9niste-dentaire/o%C3%B9-trouve-t-on-les-hygi%C3%A9nistes-dentaires-]. (Consulté le 21 février 2014).