Plusieurs émissions télévisuelles à vocation éducative s’adressant aux enfants d’âge préscolaire (3 à 5 ans) visent le développement de leurs habiletés sociales et de résolution de conflits. Ces interventions télévisuelles visent notamment à participer aux efforts collectifs de prévention de l’intimidation, problématique sociale qui par son ampleur et ses nouvelles formes (notamment dans le cyberespace), préoccupe plusieurs acteurs sociaux (parents, éducateurs, professionnels de la santé). Si ces intentions pédagogiques télévisuelles s’avèrent justifiées et bien intentionnées, elles ne semblent pas toujours avoir les effets désirés sur le jeune public.
Quelques chercheurs dans le domaine de la psychologie sociale et développementale, dont Jamie M. Ostrov, s’intéressent à documenter les effets de l’exposition aux médias sur le développement des enfants. Selon les récents travaux de l’équipe d’Ostrov, le visionnement d’émissions éducatives a des effets mitigés sur le développement social des enfants d’âge préscolaire. Il est associé à une augmentation des comportements prosociaux chez les jeunes téléspectateurs (ex : aider un ami qui en a besoin, prêter ses jouets) et à une diminution de leurs conduites agressives sur le plan physique (ex : donner des coups, mordre, pousser).
Toutefois, l’écoute d’émissions éducatives est associée à une hausse des comportements d’agressivité relationnelle (ex : mentir à un pair, le menacer, l’exclure de son jeu, l’ignorer ou l’insulter). Comment expliquer pareil phénomène ? Après avoir analysé le contenu des émissions éducatives les plus écoutées par les jeunes téléspectateurs américains, l’équipe de chercheurs observe que dans la majorité des histoires où un conflit survient, on expose en plusieurs scènes et en détail comment il s’exprime entre les personnages, en illustrant par le fait même plusieurs formes d’agressivité relationnelle. Souvent, les histoires se terminent avec une résolution de conflit rapide et un peu « trop facile et magique ». Les enfants sont donc davantage exposés à comment s’expriment les hostilités en contexte relationnel et moins à comment les gérer de manière prosociale. De plus, pour les enfants de 3 à 5 ans, il est très difficile sur le plan cognitif de faire le lien entre les conflits illustrés tout au long d’une histoire et « la petite morale » proposée à la fin.
Comment concilier les objectifs dramatiques et pédagogiques ?
Si sur le plan dramatique il peut être plus intéressant d’illustrer comment un conflit s’installe et s’intensifie entre des personnages, plutôt que d’aborder en profondeur sa résolution, il semble tout de même important de réfléchir aux formes et à l’intensité des agressions relationnelles qui seront diffusées sur le petit écran. En outre, il semble pertinent de prévoir des procédés visuels qui permettront aux tout-petits de bien comprendre les liens entre les conflits illustrés et les résolutions proposées.
Mais il n’y a pas juste la télé…
S’il est vrai que la qualité des contenus télévisuels peut influencer le développement socio-affectif des enfants, il reste que la principale source d’apprentissage demeure les interactions familiales auxquelles ils sont partie prenante et celles auxquelles ils sont exposées (surtout la qualité des relations entre les parents) (Bronson & Merryman, 2009).
Références
Travaux de Ostroz disponibles au : http://www.apa.org/science/about/psa/2013/07-08/relational-aggression.aspx
Bronson, P. & Merryman, A. Nurture Shock (2009). New thinking about children. New York: Hachette Book Group. Pages 180-196.